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Pendant les guerres de religion, l'exode des huguenots est massif et renforcé par la révocation de l'édit de Nantes qui en voit près de 200 000 fuir vers les pays protestants d'Europe. La révocation interdit pourtant sévèrement toute émigration. Ceux qui se résolvent à rester sont soumis à des lois sévères mais peu appliquées lorsqu'ils observent une extrême discrétion. C'est dans ce contexte que la ville de Toulouse compte en 1761 environ 50 000 catholiques et 200 calvinistes. L'intolérance envers les protestants se ravive à cette période à cause de la crise économique et de la Guerre de Sept Ans qui voit la France, alliée de l'Autriche et de la Russie, affronter des puissances protestantes (Prusse, Grande-Bretagne).

Jean Calas, marchand d'étoffe et sa famille habitent au no 16 de la rue des Filatiers (aujourd'hui no 50), à Toulouse. Le 13 octobre 1761, son fils aîné, Marc-Antoine, est retrouvé étranglé dans la maison familiale. Le corps est découvert à 22 h après le souper, qui réunissait à l'étage le père et la mère Calas, les deux fils Marc-Antoine et Pierre et un invité de passage, Gaubert Lavaisse. Ses parents évoquent le crime d'un inconnu. Immédiatement appelés sur les lieux, les médecins constatent que la cravate de Marc-Antoine masque les marques d'une double strangulation. Meurtre ou suicide par pendaison ? Toujours est-il que les Calas, l'invité Gaubert et la servante Jeanne Viguière, bonne catholique, sont accusés du meurtre. L'attitude de la famille est, en effet, suspecte, car celle-ci reconnaît, après trois jours d'interrogatoire à l’hôtel de ville, avoir détaché Marc-Antoine pour camoufler le suicide et éviter ainsi à ce dernier qu'il ne subisse le traitement alors infligé aux suicidés, « être traîné sur la claie » tirée par un cheval (cadavre traîné face contre terre à travers la ville ou la campagne sous les lazzis de la population, puis jeté aux ordures).

Mais les Calas, de confession protestante, sauf l'un des fils, Louis, converti au catholicisme et affilié à la Confrérie de pénitents blancs, continuent à pratiquer leur foi. Convaincu par des rumeurs de voisinage alléguant la volonté de Marc-Antoine de choisir réellement la religion catholique et accusant son père de l'avoir assassiné afin qu'il ne se convertisse pas, le capitoul (c'est-à-dire l'officier municipal de Toulouse) David de Beaudrigue exige un complément d'enquête.

Face au manque de preuves pour établir la culpabilité de Jean Calas, le procureur du roi Charles Laganne publie le 17 octobre 1761 un monitoire à fin de révélations. Dans ce contexte d'appel aux témoins, on aurait admis les ouï-dire comme quarts de preuves et les ragots comme huitièmes de preuves. Selon certains auteurs, les juges, faute de mieux, additionnent les signes, adminicules (indices légers) et présomptions, privilégiant la preuve conjecturale à la preuve testimoniale. Pour l'historien de la justice, Benoît Garnot, par contre, il s'agit là d'une caricature de la justice d'Ancien Régime : Jean Calas, sa femme et son fils Pierre sont interrogés à plusieurs reprises2,7. Le 18 novembre 1761, après délibération, le tribunal des capitouls les condamne à la préparatoire ordinaire et extraordinaire mais la famille Calas interjette appel de cette sentence.

Par le verdict en appel du parlement de Toulouse le 10 mars 1762, Jean Calas est condamné « à être rompu vif, à être exposé deux heures sur une roue, après quoi il sera étranglé et jeté sur un bûcher pour y être brûlé ». Par une indulgence de dernière minute, le juge lui a accordé un retentum, clause prévoyant son étranglement après deux heures d'exposition sur la roue afin d'abréger le supplice. Il subit au préalable la question ordinaire et extraordinaire (« pour tirer de lui l'aveu de son crime, complices et circonstances »), une longue séance de torture, mais n'avoue rien. Il clame son innocence. Roué vif Place Saint-Georges, Jean Calas est étranglé puis brûlé deux heures plus tard.

Condamné au bannissement à perpétuité, Pierre, un autre fils de Jean Calas, s'exile dans la ville calviniste de Genève, où il rencontre Voltaire, qui a déjà été informé de l'affaire par le riche négociant marseillais Dominique Audibert. Le philosophe croit d'abord l'accusation fondée, et rédige, dans un premier temps, une lettre incendiaire sur Jean Calas. Mais, convaincu par Pierre de son innocence, il forme par la suite un groupe de pression avec ses amis, et utilise son ironie corrosive pour que justice soit faite.

Afin d'obtenir la révision du procès, Voltaire publie, en 1763, l'ouvrage Traité sur la tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas, tandis que la famille obtient un entretien à Versailles auprès de Louis XV. Après deux ans d'instruction, le Conseil du roi casse l'arrêt du Parlement de Toulouse le 4 juin 1764 pour vice de procédure et renvoie l'affaire devant le tribunal des Requêtes pour qu'il soit statué au fond. Le 9 mars 1765, celui-ci rend, en dernier ressort, un arrêt réhabilitant la mémoire de Jean Calas, et acquittant tous les autres accusés. Le Parlement de Toulouse refusera toujours de revenir sur son jugement, et tiendra cet arrêt de réhabilitation pour nul et non avenu. Le capitoul est destitué le 25 février 1765 et se suicide peu après.

Le procès de Calas a été inséré dans les causes célèbres. Il a fourni à Marie-Joseph Chénier, à Jean-Louis Laya et à Auguste-Jacques Lemierre d'Argy le sujet de drames populaires. Athanase Coquerel a publié en 1858 Jean Calas et sa famille.